Il y a des œuvres culturelles qui nous font adopter de nouvelles perspectives sur notre monde. Fight Club m’a convaincu de me prendre des patates de forain les mardis soirs. The Human Centipede m’a appris à apprécier la solitude à sa juste valeur. Pac-man m’a fait réaliser qu’il est inutile de chercher à échapper aux fantômes de mon passé, qui me rattraperont toujours. Le jeu du jour, lui, m’a appris à regarder les fleurs.
Seek est un jeu mobile proposant de scanner et photographier les espèces animales et végétales nous entourant, et ce à l’aide de la caméra de notre smartphone. On cherche un objet d’intérêt, on le cadre jusqu’à ce que l’application identifie son espèce, puis on l’ajoute à notre collection. Au passage, on gagne des badges marquant notre progression, ainsi que des informations sur la chose (photos, extrait Wikipédia, fréquence dans la région...). L’expérience se rapproche donc de Pokémon Go, à l’exception qu’après avoir capturé un gros rat on ne l’embarque pas dans son sac à dos.
Mais Seek appelle bien davantage à l’émerveillement que le jeu de Niantic : on ne fait pas que déambuler jusqu’à croiser une créature, on regarde plutôt autour de soi, on se familiarise avec son environnement, on le découvre. Seek, c’est découvrir le jeu et se mettre à scanner tout ce qu’on trouve dans son logement, de la plante verte à la mouche posée sur le mur en passant par le chat et son conjoint, et découvrir que ce petit appartement est bien plus vivant qu’on ne le pensait. C’est découvrir que l’arbre devant lequel on passe tous les jours n’est pas natif de la région et a dû être importé par le passé. C’est réaliser que le quartier accueille des centaines d’espèces de fleurs. C’est suivre un oiseau sur la pointe des pieds pendant 30 minutes, le traquer à chaque fois qu’il disparaît pour finalement l’identifier ou le perdre et se jurer que la prochaine fois sera la bonne. C’est explorer un parc en espérant y trouver un des renards qui y vivent, ou au pire juste un écureuil. C’est partir en vacances dans une région riche en étangs afin d’obtenir le badge récompensant l’observation de multiples batraciens.
L’application échoue parfois à identifier une espèce, ou se trompe. Elle m’a un jour identifié un champignon comme étant extrêmement mortel. Après recherche, il s’avère qu’il était comestible. Il est facile d’imaginer les problèmes potentiellement causés par une situation inverse. Mais le projet est en constante évolution, alimenté par la base de données communautaire iNaturalist dont Seek n’est qu’une gamification. Le jeu vous invite d’ailleurs à y contribuer en envoyant vos photographies accompagnées d’autres informations, utiles autant pour des curieux et des projets scientifiques que pour l’amélioration du logiciel.
Certains se lasseront vite. Le jeu lui-même n’est pas riche en contenu, ne proposant finalement que des suggestions de recherche assez simple (trouver 3 espèces d’abeilles, trouver 10 animaux typiques des points d’eau…). Mais c’est avant tout une belle invitation à regarder dehors et découvrir le monde du naturalisme.
lucas vially